Pour qui sonnent les glands ?

Publié le par Au Terminus des Pretentieux

Provocation gratuite, roublardise, misogynie indécrottable, tout cela à la fois ? Lars Von Trier dans son sulfureux « Antichrist » n’y va pas avec le dos de la cuillère. On peut aussi y voir une apologie du bricolage, tant Charlotte Gainsbourg manie divers outils avec une dextérité admirable. Sac à vomi vivement conseillé.



          Le pitch est connu de tous depuis l’épisode cannois en forme de tollé attendu : l’unique enfant d’un couple passe par la fenêtre pendant que Monsieur et Madame jouent à la bête à deux dos dans la salle de bains. Le deuil ira s’accomplir dans un chalet en pleine nature, baptisé Eden (bonjour la symbolique !) mais les choses tourneront, c’est le moins que l’on puisse dire, très mal.

          Découpé en quatre segments augmentés d’un prologue et d’un épilogue, le film de Lars Von Trier vous met mal à l’aise durant l’heure trois quart de projection. Le prologue d’abord, filmé dans un noir et blanc de pub pour parfum et en hyper-ralenti, gros plans sur les bijoux de famille de Willem Dafoe avec lesquels on fera plus ample connaissance par la suite. Est-ce le climat de tension extrême lourdement entretenu par un cinéaste des plus malins, ou ne serait-ce pas plutôt l’attente redoutée par le spectateur des moments clés (allez voir le film, vous comprendrez) largement commentés par le microcosme cannois, excision en gros plan et mutilations diverses ?

          Après un préambule visuellement aux antipodes du Dogme d’il y a quelques années, Lars Von Trier nous fait alors plonger au cœur de la thérapie, qui sonne singulièrement creuse, entreprise par Willem Dafoe (mais oui, il est psychothérapeute !) sur sa compagne Charlotte Gainsbourg, incapable de réfréner son chagrin et sa frénésie sexuelle dont évidemment elle fait la cause première du drame qui s’est joué durant leurs ébats. Willem semble serein, parle avec douceur, est attentif, un Willem Dafoe qui a le mérite d’exister face au personnage de Charlotte Gainsbourg, constamment dans l’excès et sur lequel le film révèlera vers son milieu une incompréhensible propension à tyranniser son enfant.
Les personnages féminins chez Von Trier, en tout cas jusque là, souffraient le martyre avec une sorte de grandeur d’âme qui les rachetaient in fine (Ely Watson dans « Breaking the waves ») ou qui les élevaient à un statut de mère universelle ( Björk dans « Dancer in the dark »). Foin de tout ça ici : la femme gardera jusqu’à une fin sordide courue d’avance son balai de sorcière et son goût pour les maléfices qui la poussera à perforer le tibia de son partenaire à coups de vilebrequin. En lui collant en prime une très jolie pierre de meule avec lequel le pauvre bougre tentera d’échapper à la furie destructrice de sa diabolique épouse. Le Danois enfoncera, si je puis dire, un peu plus le clou en lui donnant un passé de thésarde en sorcellerie, n’en jetez plus la coupe est pleine !

            Lars Von Trier ne nous épargne rien en matière de symbolisme à trois balles, faisant même tomber une pluie de glands (du chêne, précisons) sur le toit du chalet où le couple avance vers son destin tragique ou grotesque, selon l’humeur. Un renard parle et prononce d’une voix qui ferait passer John Rambo pour Keren Ann : « Le chaos règne », effectivement le renard a du nez, ce qui ne surprendra personne. La nature est diabolique, la femme en est son instrument de torture, et l’homme a finalement bien du mérite de sauver sa peau face à ce déchaînement qui vire au gore gynécologique dans la dernière partie.
Que penser également de ces scènes à la limite du ridicule dans lesquelles le mari teste sur son épouse en pleine déconfiture ses talents de psychiatre ? Tout semble sonner faux, tout paraît artificiel, et là où le cœur du film devrait se jouer ne reste plus qu’un cinéma balourd et maladroit voire ennuyeux.

             Dommage car formellement, mis à part le flash back d’ouverture, le film n’est pas exempt de qualités, quand Von Trier filme une nature âpre et hostile dans lequel homme et femme se perdent corps et bien, et cette fois sûrement pas pour mieux se retrouver.
On se surprend alors à penser au film qu’un autre torturé du cortex  aurait pu tirer de cet argument, je veux évidemment penser à David Lynch, auquel Lars Von Trier emprunte un peu des ambiances sonores qui traversent Mulholland Drive ou Inland Empire. Mais là où Lynch réussit à générer une tension de tous les instants quitte à perdre le spectateur sur des chemins tout sauf balisés, son collègue scandinave surligne, surcharge, appuie, et de façon sans doute voulue et assumée, fait basculer le film dans le grandguignolesque insoutenable.
Reste l’interprétation de Charlotte Gainsbourg, qui se livre aux affres de son metteur en scène avec un culot et une abnégation qui feront dire à mes voisins de séance à la fin de la projection : « Moi qui étais venu voir ma petite Charlotte, je ne pensais pas qu’elle était aussi cinglée ! ». Existe-t-il plus beau compliment pour une comédienne ?

Ch. M.

Publié dans CINEMA

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Allo papa Congo charlie(bis)<br /> Ici papa Bongo charlie<br /> je vous entends très très bien<br /> me laisserez-vous enfin<br /> je n'ai plus besoin de vous<br /> je vole par vent debout<br /> je vais noyer ma solitude<br /> dans le triangle des... <br /> M.S
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